• Le secret le mieux gardé

    Le secret le mieux gardé

    Nous courons partout comme si nous étions poursuivis par des monstres de cinéma japonais. Nous pleurons, nous crions, nous demandons, nous exigeons. Nous écrivons des œuvres d'art pour chanter nos tragédies et dire nos désespoirs. Nous cherchons la libération, agissant comme si nous étions prisonniers. Nous sommes jaloux, en colère, vains, paillards, contradictoires, capricieux, susceptibles, blessés.

    Au milieu de tout cela, le secret le mieux gardé : nous aimons la vie telle qu'elle est.

    Nous aimons jouer à être nous-mêmes, nous aimons jouer à être la personne traumatisée ou celle qui vient de vivre une tragédie. Nous aimons jouer la dignité. Nous aimons nos pires mémoires à ce point que nous nous y accrochons avec ferveur et qu'au moment où nous les sentons nous quitter, nous nous sentons disparaître avec elle. Nous aimons nos manques imaginaires et nos désespoirs de fictions. Nous aimons nos romans personnels, nous les avons d'ailleurs écrits nous-mêmes, nous les aimons pour la meilleure des raisons : ce sont les nôtres.

    Nous aimons cette vie, nous aimons cette vie telle qu'elle est.

    Nous aimons tout, vraiment. Nous avons toujours tout aimé. Nous aimons nos prétendus problèmes, nous aimons ne pas trouver de solution, nous aimons la montée d'adrénaline qui vient lorsque le désespoir nous englobe, nous aimons être enroulés dans la cape des grandes luttes, des grandes épreuves. Oh oui ! Nous aimons être ce que nous sommes.

    Et nous venons voir un enseignement spirituel, et nous jouons à être malheureux, nous jouons comme si nous ne savions pas déjà, comme si nous n'aimions pas déjà ce qui est, ce que nous sommes, ce que nous vivons. Et nous venons faire cette dernière ronde – la spiritualité, pour le plaisir, pour le simple plaisir de la danse, faisant semblant une dernière fois, avant de prendre vraiment notre retraite du jeu merveilleux que nous avons tant aimé jouer...

    Nous sommes amoureux de cette vie ; nous, la vérité, sommes amoureux de l'illusion. Non, nous n'en sommes pas victimes ! Nous sommes l'écrivain, le metteur en scène, l'acteur, le spectateur de cette pièce qui s'imagine instant après instant : notre « histoire personnelle ». Une partie de nous sait bien tout cela, une partie de nous sait que tout va bien, une partie de nous sait que tout cela n'est qu'un jeu.

    Et nous jouons tant que nous avons envie de jouer. Nous croyons à l'histoire tant qu'elle est plus divertissante qu'effrayante. Nous explorons le rêve tant que l'exploration nous convient. Mais un jour, nous savons. Nous savons qu'il est temps, qu'il est temps de se réveiller, qu'il est temps pour la vérité. Alors, mort physique ou spiritualité, nous passons de l'autre côté, nous sortons de la salle de cinéma, où tout était brillant et où pourtant tout était étrangement trouble et obscur, agité.

    Le moindre rayon de lumière, alors, nous touche et nous aveugle. Et la vie éclate, magnifiquement, au-delà des mots, au-delà des histoires, dans son existence la plus nue. Et nous rions de nos enfantillages, et nous embrassons du regard toutes les illusions, remerciant le mystère, accueillant avec douceur ceux qui ont encore envie de faire semblant, rendant leur rêve peut-être un peu plus beau, plus doux. Parfois leur montrant la sortie si c'est ce qu'ils veulent vraiment.

    Alors, ce n'est pas seulement que nous aimons le monde, non. C'est que nous savons que nous avons toujours aimé, que nous aimerons toujours cette existence, telle qu'elle est.

    Ce n'est pas seulement que nous aimons, c'est que nous aimons aimer.

    Ce n'est pas seulement aimer, c'est découvrir qu'au creux du creux, nous sommes cela : ce qui est, amour de ce qui est.

    Texte : Pierre-Antoine

    Le secret le mieux gardé

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