• Voulez-vous vraiment de cela ?

    Si vous avez quelque chose à sauver, si vous avez quelque chose à conserver, si vous n'êtes pas prêt à tout lâcher et à tout laisser sombrer dans l'immensité du silence, fuyez la spiritualité. La spiritualité vous enlèvera tout.

    Vous y perdrez vos identités, vous y perdrez chacune de vos idées, vous y perdrez vos idéaux, vous y perdrez vos peurs, vous y perdrez vos motivations, positives comme négatives, vous y perdrez tout ce que vous avez toujours cru être, savoir et posséder.

    Si vous n'êtes pas prêt à tout perdre pour la vérité, y compris vous-mêmes, fuyez pendant qu'il en est encore temps.

    Vous y découvrirez qu'aucune de vos idées, y compris spirituelle, n'est vraie. Vous y découvrirez qu'aucune de vos histoires n'est vous. Vous y découvrirez que rien de ce que vous tenez dans vos mains n'est vôtre, que même ce corps est un objet – comme un nuage, qui n'est ni à vous, ni à personne. Vous y perdrez tous les points de repères.

    Hors du temps et de l'espace, au-delà du nom et de la forme : votre vraie nature ne donne rien sur quoi s'appuyer.

    Tout sera balayé jusqu'à ce que vous voyiez : vous êtes l'espace nu, qui n'arrive nulle part, dans lequel l'expérience danse. Vous êtes le sang du réel qui bat dans le cœur du silence. Rien n'est vous, tout est vous. Rien n'est vrai, tout est vrai. Il n'y a rien à trouver dans cette voie, et tout à perdre. Et, entièrement perdu, offert, démembré, se découvre enfin le réel sous ces fictions que nous avions tant chéries.

    Fictions du bien, du mal. Fictions du vrai, du faux. Fictions de moi, des autres. Fictions du temps et de l'éternité. Fictions du sens et de l'absurde. Fictions du commencement et de la fin. Fictions de l'intérieur et de l'extérieur. Fictions de l'harmonie et du chaos. Fictions du beau et du laid. Fictions de tous les opposés.

    Se découvre enfin ce que nous sommes en dessous des idées que nous avions fabriquées de bric et de broc. Le réel : ce qui ne se négocie pas, ce qui ne se fabrique pas, ce à quoi on n'échappe pas. Le réel que je suis, en-deça des idées qui toujours flanchent... Là où nul effort ne compte, là où nulle idée n'a cours, là où nul mérite n'existe – au-delà des images de nous et du monde, au-delà de nos biens, au-delà de nos mal-s, de nos maux : ce qui est.

    Ce réel qui est toujours là, ce réel que je suis, ce réel que nous avons tant souffert d'essayer de circonvenir ou d'échapper. C'est cela, la vraie question – permettez-moi donc de l'écrire en graffiti sur la porte de la spiritualité : voulez-vous le réel, ou vos idées ?

    Si vous franchissez cette porte, elles seront toutes massacrées.

    Il ne restera plus rien, sinon vous. Votre présence nue.

    Car vous êtes l'absolu, vous êtes le monde, vous êtes tout.

    Qu'allez-vous désirer, refuser maintenant ?

    Qu'allez-vous devenir ?

    Bienvenue.


    Texte : Pierre-Antoine

    Voulez-vous vraiment de cela ?

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  • Le secret le mieux gardé

    Nous courons partout comme si nous étions poursuivis par des monstres de cinéma japonais. Nous pleurons, nous crions, nous demandons, nous exigeons. Nous écrivons des œuvres d'art pour chanter nos tragédies et dire nos désespoirs. Nous cherchons la libération, agissant comme si nous étions prisonniers. Nous sommes jaloux, en colère, vains, paillards, contradictoires, capricieux, susceptibles, blessés.

    Au milieu de tout cela, le secret le mieux gardé : nous aimons la vie telle qu'elle est.

    Nous aimons jouer à être nous-mêmes, nous aimons jouer à être la personne traumatisée ou celle qui vient de vivre une tragédie. Nous aimons jouer la dignité. Nous aimons nos pires mémoires à ce point que nous nous y accrochons avec ferveur et qu'au moment où nous les sentons nous quitter, nous nous sentons disparaître avec elle. Nous aimons nos manques imaginaires et nos désespoirs de fictions. Nous aimons nos romans personnels, nous les avons d'ailleurs écrits nous-mêmes, nous les aimons pour la meilleure des raisons : ce sont les nôtres.

    Nous aimons cette vie, nous aimons cette vie telle qu'elle est.

    Nous aimons tout, vraiment. Nous avons toujours tout aimé. Nous aimons nos prétendus problèmes, nous aimons ne pas trouver de solution, nous aimons la montée d'adrénaline qui vient lorsque le désespoir nous englobe, nous aimons être enroulés dans la cape des grandes luttes, des grandes épreuves. Oh oui ! Nous aimons être ce que nous sommes.

    Et nous venons voir un enseignement spirituel, et nous jouons à être malheureux, nous jouons comme si nous ne savions pas déjà, comme si nous n'aimions pas déjà ce qui est, ce que nous sommes, ce que nous vivons. Et nous venons faire cette dernière ronde – la spiritualité, pour le plaisir, pour le simple plaisir de la danse, faisant semblant une dernière fois, avant de prendre vraiment notre retraite du jeu merveilleux que nous avons tant aimé jouer...

    Nous sommes amoureux de cette vie ; nous, la vérité, sommes amoureux de l'illusion. Non, nous n'en sommes pas victimes ! Nous sommes l'écrivain, le metteur en scène, l'acteur, le spectateur de cette pièce qui s'imagine instant après instant : notre « histoire personnelle ». Une partie de nous sait bien tout cela, une partie de nous sait que tout va bien, une partie de nous sait que tout cela n'est qu'un jeu.

    Et nous jouons tant que nous avons envie de jouer. Nous croyons à l'histoire tant qu'elle est plus divertissante qu'effrayante. Nous explorons le rêve tant que l'exploration nous convient. Mais un jour, nous savons. Nous savons qu'il est temps, qu'il est temps de se réveiller, qu'il est temps pour la vérité. Alors, mort physique ou spiritualité, nous passons de l'autre côté, nous sortons de la salle de cinéma, où tout était brillant et où pourtant tout était étrangement trouble et obscur, agité.

    Le moindre rayon de lumière, alors, nous touche et nous aveugle. Et la vie éclate, magnifiquement, au-delà des mots, au-delà des histoires, dans son existence la plus nue. Et nous rions de nos enfantillages, et nous embrassons du regard toutes les illusions, remerciant le mystère, accueillant avec douceur ceux qui ont encore envie de faire semblant, rendant leur rêve peut-être un peu plus beau, plus doux. Parfois leur montrant la sortie si c'est ce qu'ils veulent vraiment.

    Alors, ce n'est pas seulement que nous aimons le monde, non. C'est que nous savons que nous avons toujours aimé, que nous aimerons toujours cette existence, telle qu'elle est.

    Ce n'est pas seulement que nous aimons, c'est que nous aimons aimer.

    Ce n'est pas seulement aimer, c'est découvrir qu'au creux du creux, nous sommes cela : ce qui est, amour de ce qui est.

    Texte : Pierre-Antoine

    Le secret le mieux gardé

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  • Ce n'est pas ailleurs que maintenant, vous savez. Ce n'est pas ailleurs qu'ici. N'écoutez pas les marchands de sommeil qui vous disent que la vérité et le bonheur sont au bout du chemin. La vérité, c'est chaque pas, et notre joie, c'est d'être vrai, d'être vraiment nous-mêmes à chaque instant. Et notre désir, c'est un désir de ce qui est ici devant nous, et de fondre toujours plus profondément dans la texture de cette vie, et de goûter encore et encore ce que c'est qu'être vivant.

    C'est maintenant que vous vivez, maintenant que vous honnêtes ou insincères, maintenant que vous suivez ce qui en vous sait ou que vous l'ignorez. C'est cela la vérité de l'instant. Ma lâcheté est la vérité de l'instant ? Alors je l'embrasse : je n'ai pas d'autre instant, pas d'autre vie que celle là, je suis trop pauvre, trop absolument dénudé pour pouvoir me permettre de rejeter quoi que ce soit.

    C'est cet instant. Non, n'hypothéquez pas cet instant à une idée d'un quelconque futur. C'est ainsi qu'on finit par avoir marché à côté de son existence sans jamais l'avoir rencontrée. Oui, c'est juste cela : rencontrer sa propre existence dans la plaine d'une attention qui ne demande rien. Dans la prairie fleurie de l'étonnement d'exister, tendre la main vers cet animal un peu sauvage, un peu effaré : nous-mêmes.

    Cet instant, oui. Tomber, sombrer, goûter, avoir peur, aimer, oui, mais vivre et être vrai. Toutes les spiritualités ne sont que des enfantillages, toutes les idées sont sans valeur, toutes les croyances vides, par rapport à l'odeur du thé, au regard d'un enfant, à la main fripée du vieil homme qui vous sourit des yeux en se laissant glisser dans son dernier sommeil.

    Cet instant, c'est notre amour, c'est notre vérité. Notre sacrifice, c'est brûler les idoles du futur auxquelles nous avons si longtemps construits des temples et des pyramides. Nous abandonnons les demains qui sont pour toujours incapables d'exister. Et nous goûtons, nous nous offrons, nous sombrons, oui, dans la vérité de l'instant, dans la vérité de nous-mêmes, qui n'est jamais ailleurs, jamais plus tard.

    Si vous voulez sauver quelque chose, tout est perdu. Si vous voulez garantir quoi que ce soit, vous sombrez en enfer. Mais prendre soin du présent, prendre soin de ce qui est là : cette sensation dans le bras, la lumière qui tombe dans le verger, l'odeur des fleurs blanches, des pivoines, le bruit des voisins qui s'éveillent : la vérité.

    Réveillez-vous. Sortez de cette transe atroce qui vous fait courir après les fantômes que votre esprit ne fait qu'imaginer. Sortez de ce mauvais rêve qui vous fait vivre partout sinon là où vous êtes. Vous n'avez qu'une seule vie, et elle est en train d'arriver maintenant. Vous ne pouvez pas sérieusement sacrifier ce qui est là à ce qui n'existe pas encore. Vous ne pouvez pas sérieusement abandonner la vérité au profit d'un possible, non. Vous n'avez pas ce luxe.

    Ce n'est jamais demain. Ce n'est jamais après. C'est ici. C'est ça. Ce n'est rien d'autre que ça. Cet instant, ce seul instant, là, ici. Arrêtez-vous donc et voyez : l'absolu est déjà sous vos pieds, la liberté est vôtre, quand vous vivez là où vous êtes, quand vous vous laissez tomber amoureux de ce qui est donné.

    Cet instant, c'est la seule vérité.

    Cet instant, c'est votre vie.

    C'est tout.



    Texte : Pierre-Antoine.

    C'est cet instant

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